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"Quand je pense à tous les livres qu'il me reste à lire, j'ai la certitude d'être encore heureux"

Jules Renard

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17 février 2014 1 17 /02 /février /2014 15:51
Marc Dufumier, 50 idées reçues sur l'agriculture et l'alimentation, Allary éditions

"L'agriculture industrielle vend des produits bon marché. Faux, nous les payons en réalité très cher."

"Pour être compétitives, les régions françaises doivent se spécialiser. Faux, elles courraient à leur perte."

"L'agriculture artisanale est moins rémunératrice que l'agriculture industrielle. Faux, c'est même parfois l'inverse."

Marc Dufumier est un agronome de sensibilité écologique. Dans cet ouvrage il présente les méfaits de l'agriculture industrielle et les solutions alternatives.

"L'agriculture industrielle est une agriculture "minière". Elle exploite la terre sans régénérer la matière organique et les éléments minéraux qui la rendent fertile, tout comme l'industrie minière extrait les minéraux du sol sans les renouveler. Nous n'en mesurons probablement pas encore toutes les conséquences."

L'auteur préconise donc le développement d'une agriculture biologique ("On ne pourra pas nourrir la planète avec une agriculture 100% bio. Faux, même l'ONU reconnaît aujourd'hui que c'est possible, et souhaitable") et une alimentation moins riche en produits d'origine animale ("Nous mangeons trop de viande. Vrai, mais il faut quand même préserver l'élevage").

Voilà un ouvrage qui devrait intéresser ceux qui se sentent concernés par le contenu de leur assiette et ce que l'industrie agroalimentaire essaie parfois de nous faire avaler. Le système du vrai / faux avec la réponse développée et justifiée en deux ou trois pages fait que la lecture est facile et rapide.

Un livre lu dans le cadre de l'opération Masse critique de Babelio.

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14 janvier 2014 2 14 /01 /janvier /2014 15:02
Fabrice Nicolino, Bidoche, L'industrie de la viande menace le monde, Babel

L'industrie de la viande c'est tout le complexe agroalimentaire qui s'est développé autour de l'élevage industriel -porcs et poulets en batterie, par exemple. Fabrice Nicolino présente toutes les conséquences négatives de cette façon de produire de la viande.

Conséquences pour les animaux concernés qui ont une vie courte et pénible avant d'être abattus.

Conséquences écologiques : on détruit la forêt amazonienne pour planter du soja (OGM) qui est la base de l'alimentation de ces bêtes. "La France fait partie des principaux responsables de cette tragédie. Elle est en effet le premier consommateur européen de soja, principalement originaire du Brésil (22% du soja exporté du Brésil arrive en France)".

Par ailleurs un kilo de boeuf "coûterait" 15 500 litres d'eau à l'humanité. Il s'agit de l'eau qui a servi à faire pousser les végétaux qui ont nourri l'animal ajoutée à celle qu'il boit et à celle qui est nécessaire à son entretien.

Conséquences pour la santé humaine : dopés aux hormones et aux antibiotiques, veaux, vaches et cochons nous amènent à consommer toute une pharmacie. Des personnes allergiques aux antibiotiques peuvent faire une réaction en mangeant une côte de porc ! Alors, "les antibiotiques, c'est pas automatique" ? Quand on mange de la viande, si, semble-t-il.

Puis ces élevages où des milliers d'animaux sont concentrés sont l'endroit idéal pour que se développent des épidémies, transmissibles à l'homme, pourquoi pas, comme la grippe aviaire.

 

En France cette situation s'est mise en place dans les années 1970 grâce au travail main dans la main des pouvoirs publics et des entreprises de l'agroalimentaire. Aujourd'hui des responsables politiques (ministres, députés -des noms sont cités) continuent de couvrir des situations qui m'apparaissent scandaleuses. Il semble qu'il y a des cas où on est tellement embourbé qu'il est difficile de changer de direction. Je pense à la Bretagne, région en partie sinistrée écologiquement mais aussi économiquement par l'élevage intensif. Cet aspect de la complicité (ou de l'aveuglement ?) des politiques est un de ceux qui m'a le plus choquée. Une lecture instructive donc mais qui n'engage guère à l'optimisme.

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26 septembre 2013 4 26 /09 /septembre /2013 11:10
Doug Saunders, Du village à la ville, Comment les migrants changent le monde, Seuil

A la fin du 21° siècle, nous annonce Doug Saunders dans son avant-propos, l'espèce humaine se sera entièrement urbanisée. Nous assistons en ce moment même à la grande migration qui conduit les ruraux du monde pauvre vers les villes de leurs pays ou des pays riches. L'auteur considère que ce mouvement est à la fois inexorable et souhaitable. Il permettra une hausse du niveau de vie des migrants, la fin de la croissance démographique et la stabilisation de la population mondiale, résoudra le problème de la concurrence pour les ressources et entraînera l'avènement d'"un monde viable pour toujours". Seulement, pour en arriver à ce résultat, encore faut-il encadrer ce mouvement, faute de quoi, comme lorsque de la précédente grande vague migratoire de la fin du 18° siècle, il sera surtout facteur de troubles.

 

Pour soutenir son propos, Doug Saunders nous donne donc à voir les conditions de vie dans divers quartiers-tremplins du monde entier. Le quartier-tremplin c'est celui qui accueille les migrants et où ils ont l'opportunité de se transformer de pauvres ruraux en urbains membres de la classe moyenne inférieure. Pour que cette opportunité soit réelle, il y a trois conditions : accession facile à la propriété, possibilité de créer sa petite entreprise, intervention de l'Etat par l'implantation de services publics.

Karamgirchar, Dacca, Bangladesh

Karamgirchar, Dacca, Bangladesh

Il y a des points sur lesquels je suis d'accord avec l'auteur. Je crois comme lui que les migrants pourraient être une chance pour nos vieux pays si on leur en laissait la possibilité au lieu de se replier de plus en plus sur notre pré national. Par contre il y en a d'autres où je le trouve un peu trop optimiste. Je ne suis pas sûre que l'urbanisation totale de la planète soit souhaitable ni qu'elle réglera tous les problèmes environnementaux. Enfin, parfois, il apparaît que son enthousiasme l'aveugle. Je suis particulièrement choquée par l'éloge qu'il fait de Recep Tayyip Erdoğan, premier ministre turc :

"Il a paru vouer l'essentiel de son énergie à intégrer son pays à l'Europe et à consolider son économie, mettant fin au conflit avec les Kurdes dans le sud-est et empêchant les tribunaux de punir les dissidents politiques." (c'est moi qui souligne).

Enfin, ouvre les yeux Doug ! La Turquie est quand même aujourd'hui le pays du monde où le plus de journalistes sont en prison !

Les Pyramides, Evry, France

Les Pyramides, Evry, France

Malgré tout c'est un livre assez plaisant à lire par les nombreuses histoires de vies dans les quartiers-tremplins qui sont racontées, qui nous ballade de la Chine aux Etats-Unis en passant par la Turquie (!) et la France, et qui donne à réfléchir.

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2 septembre 2013 1 02 /09 /septembre /2013 20:01
Xinran, Messages de mères inconnues, Picquier poche

Xinran a été journaliste dans une radio chinoise dans les années 1980-90. Elle y a animé une émission « Mots sur la brise nocturne », destinée aux femmes. De cette expérience elle avait tiré le livre Chinoises que j'avais lu il y a déjà longtemps et qui m'avait marqué. J'avais été choquée par les très dures conditions de vie des Chinoises des campagnes. C'est justement à l'occasion de déplacements en province et en interviewant des femmes que Xinran a découvert le phénomène des bébés filles assassinées à la naissance ou abandonnées. L'ouvrage présent s'adresse aux petites Chinoises adoptées en occident et essaie de répondre à la question qu'elles se posent : « Pourquoi ma maman chinoise m'a-t-elle abandonnée ? »

 

Des croyances religieuses (le premier né doit être un garçon pour porter bonheur à la famille) et le système de répartition des terres à la campagne, favorisant les garçons (je suis surprise de constater que le communisme n'a pas changé ce système), ont fait de l'assassinat des nouvelles-nées filles une tradition. A cela s'est ajoutée la politique de l'enfant unique.

 

Xinran donne à lire des histoires poignantes. Derrière l'abandon des petites filles je découvre aussi les conditions de vie à la campagne, très dures pour tout le monde, encore plus pour les femmes. « La plupart des femmes ne souhaitaient que deux choses -ne pas enfanter de fille dans cette vie-ci et ne pas renaître femme dans la prochaine. » J'apprends aussi que la Chine est un des rares pays du monde où les femmes se suicident plus que les hommes.

 

Xinran a quitté son pays en 1997 pour émigrer en occident. Les témoignages qu'elle rapporte sont donc déjà un peu anciens. Ce qui me manque c'est de savoir comment a évolué la situation au début du 21° siècle. Je comprends qu'avec l'enrichissement de l'est du pays les abandons y sont devenus moins nombreux. Je sais aussi que la Chine est toujours un pays où la proportion d'hommes est anormalement élevée par rapport à celle des femmes. Un ouvrage très intéressant.

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23 juin 2012 6 23 /06 /juin /2012 14:42

ayatollahsNicholas Jubber, A la barbe des ayatollahs, Dans l'Iran et l'Afghanistan d'aujourd'hui, Noir sur blanc

 

Entre 2004 et 2007 Nicholas Jubber a séjourné à Téhéran et voyagé en Iran, en Afghanistan, en Ouzbékistan et au Tadjikistan. Dans ces pays il est parti à la recherche de l'héritage de la culture perse préislamique. Ce qui lui sert de fil conducteur dans son périple c'est le Shahnameh, le Livre des rois, épopée en vers rédigée au 11° siècle par Ferdowsi. Nicholas Jubber constate que 9 siècles après sa rédaction cette poésie est encore vivante et populaire. Il rencontre ainsi un boucher qui en récite de longs passages à sa clientèle admirative. Pour nombre de persanophones le Shahnameh est aussi une résistance contre la culture arabe perçue comme extérieure et envahissante.

 

L'intérêt de ce récit pour moi c'est de montrer la fracture qui existe en Iran entre les autorités islamistes et une bonne partie de la population. Sina, le fils de la famille chez laquelle réside l'auteur, connait tous les secrets de la drague à l'iranienne. Il a toujours sur lui des petits papiers sur lesquels est inscrit son numéro de portable et qu'il glisse aux jeunes filles qui lui plaisent. De voiture à voiture à la faveur d'un embouteillage, entre deux pages d'un livre échangé à la bibliothèque. Ensuite il n'est plus qu'à attendre l'appel. Par ce biais s'organisent aussi des fêtes privées où l'on danse et boit.

 

Nicholas Jubber écrit dans un style très accessible et plein d'humour et en même temps son ouvrage est très bien documenté. Pour circuler en Afghanistan et en Asie centrale, dans des régions interdites aux occidentaux, il se laisse pousser la barbe et se fait passer pour un muet afin de cacher son accent.

Un livre sympathique et agréable à lire.


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6 mai 2012 7 06 /05 /mai /2012 14:18

agafiaVassili Peskov, Des nouvelles d'Agafia, Actes sud

 

Les articles de Vassili Peskov sur les Ermites dans la Taïga, Karp Lykov et sa fille Agafia ont attiré l'intérêt et la sympathie du public russe qui lui demande Des nouvelles d'Agafia laquelle vit seule désormais depuis la mort de son père en 1988. Vassili Peskov continue ses visites annuelles à l'ermitage et ce récit couvre la période 1992-2008.

 

Quand je dis qu'Agafia vit seule ce n'est pas toujours vrai car sa popularité lui a attiré des émules qui pensent pouvoir régler leurs problèmes personnels par un séjour dans la taïga. Des "bancroches de l'esprit" comme les appelle Agafia et qui ne supportent pas longtemps les rudes conditions de vie et le caractère intransigeant de leur hôtesse. Quelques uns cependant s'acclimatent : Sergeï qui revient plusieurs années de suite passer des périodes à l'ermitage, Nadia qui vit cinq ans auprès d'Agafia et Erofeï l'ancien employé de la base géologique voisine devenu trappeur.

 

Il arrive aussi à Agafia de sortir de chez elle, pour séjourner dans la famille de sa mère, découverte à l'occasion de la parution d'Ermites dans la taïga ou pour aller se soigner à des sources chaudes mais malgré les demandes, elle refuse de quitter l'endroit où elle a toujours vécu.

 

Le présent ouvrage est accompagné de plus de photographies que le précédent car Agafia accepte maintenant de poser devant l'objectif. Le premier livre sur cette vie hors du commun était le plus passionant des deux.


agafia2.jpg

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22 avril 2012 7 22 /04 /avril /2012 08:12

ermitesVassili Peskov, Ermites dans la taïga, Babel

 

En 1978, des géologues en mission dans la taïga, au sud de la Sibérie, à 200 km environ de la frontière mongole, repèrent depuis leur hélicoptère quelque chose qui ressemble fort à un potager à un endroit qui pourtant est officiellement vide d'hommes. Là ils font la découverte d'une famille de cinq personnes, le père et ses quatre enfants âgés de 56 à 33 ans et qui vivent coupés du monde depuis 40 ans. Les deux cadets n'ont jamais rencontré d'autres personnes que leurs parents et frère et soeur.

 

Les Lykov sont des vieux croyants qui se sont éloignés du "siècle" pour pouvoir vivre leur religion à leur convenance. En 1653 le tsar Alexis et le patriarche Nikon réforment l'Eglise orthodoxe pour retourner vers les textes originels qui avaient parfois été mal traduits ou recopiés. Cette réforme provoque un schisme, le raskol. Ceux qui refusent de modifier leurs pratiques sont les vieux croyants. A la mort du tsar Alexis (1676), son successeur Pierre le Grand décide de les taxer doublement. Certains prennent alors la forêt pour échapper à cette imposition. Trois siècles plus tard les Lykov, qui vivaient déjà dans un endroit guère passant, s'éloignent encore plus de la civilisation au point de ne plus croiser de personne étrangère à leur famille pendant 40 ans.


800px-Surikov_morozova.jpgUn tableau de Sourikov, La boyarde Morozova, personnalité du raskol qui part en exil. Elle montre à ses fidèles comment faire le signe de croix avec deux doigts au lieu de trois comme on voulait le leur imposer.

 

Vassili Peskov est grand reporter à la Komsomolskaïa Pravda. En 1982 il apprend l'existence des Lykov et leur rend visite. A ce moment là la famille ne se compose plus que du père et de la fille cadette, Agafia. Les trois autres enfants sont morts l'hiver précédent. Vassili Peskov s'attache à ces deux personnages et revient régulièrement les voir, environ une fois par an. Ce sont ces rencontres sur dix ans -le récit s'arrête en 1991- que raconte Ermites dans la taïga. L'ouvrage est illustré de quelques photos des ermites et de leur cadre de vie.

 

Vassili Peskov présente les conditions de vie en totale autarcie de ces fascinants Robinson. Du monde ils n'ont emmené avec eux que quelques outils de métal, en bien mauvais état 40 ans plus tard. Tout le reste est fabriqué par leurs soins : seaux en écorce de bouleau, vêtements de chanvre cultivé sur place. La nourriture est fournie par le potager (essentiellement des pommes de terre), ramassée dans la forêt, péchée dans le torrent. Des fosses-pièges permettent à l'occasion d'attraper du gibier. L'alimentation est l'objet d'un travail et d'un soucis permanents, la situation toujours précaire. La mère est morte de faim en 1961. Pour la nourriture spirituelle, cinq heures de prière par jour.

 

Leurs retrouvailles avec les hommes va modifier la vie des Lykov. Ils vont accepter d'utiliser certains biens produits à l'extérieur : tissu, ustensiles de cuisine. Ils vont cultiver de nouveaux légumes (carottes), élever des animaux. S'ils prennent plaisir à fréquenter à l'occasion (l'ermitage est inaccessible pendant plus de la moitié de l'année, à cause de la neige) des gens de l'extérieur, ils ne renoncent pas à leur vie isolée ni à leurs convictions religieuses.


lykov.jpgL'ermitage des Lykov

 

Je n'en dis pas plus pour vous laisser le plaisir de découvrir cette aventure fantastique qui m'a fascinée. Si le vieux est pas mal un tyran domestique, sa fille est plus attachante avec sa capacité à évoluer et je m'en vais la retrouver bien vite dans Des nouvelles d'Agafia.

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26 mai 2010 3 26 /05 /mai /2010 17:36

le-quai-de-ouistreham_46466_w250.jpgFlorence Aubenas, Le quai de Ouistreham, Editions de l'olivier

 

En février 2009 Florence Aubenas est partie incognito à Caen pour y chercher du travail et y vivre la vie de demandeuse d'emploi. Elle a prétendu avoir son bac pour seul diplôme, avoir vécu longtemps avec un homme qui l'entretenait mais s'être séparée récemment. Elle a gardé son nom mais teint ses cheveux. Elle avait décidé qu'elle arrêterait l'expérience quand elle décrocherait un CDI, cela a duré six mois.

 

Pendant six mois Florence Aubenas a donc fréquenté pôle emploi et ses employés de plus en plus astreints au rendement. Elle a obtenu des heures de ménage à droite et à gauche : sur les ferry du quai de Ouistreham qui passent pour les endroits les plus durs; dans un camping où six heures de ménage sont payées trois; dans diverses entreprises perdues dans ce qu'il reste des zones industrielles de la région. Elle a fait connaissance avec ses collègues de galère qui font deux heures de route pour une heure de travail, que l'on peut appeler à tout instant pour un remplacement au pied levé et pas question de dire non.


Voilà un livre qui se lit facilement, vivant par les histoires qu'il raconte. On n'est pas dans l'East end de Jack London mais dans des vies quand même bien dures où le travail fait mal. On y rencontre des personnes qui se battent malgré les difficultés et qui s'épaulent. Florence Aubenas porte un regard bienveillant sur ces gens qu'elle a côtoyés. L'ensemble est donc sympathique même si le contenu n'est pas une révélation : les conditions de vie des précaires je pense qu'on les connaît déjà, soit par des reportages dans la presse, soit par ses fréquentations dans la vraie vie.

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30 avril 2010 5 30 /04 /avril /2010 16:08

London-Peuple-d-en-basJack London, Le peuple d'en bas, Phébus

 

En 1902 Jack London se rend à Londres où il va vivre pendant trois mois dans le quartier misérable de l'East End. Un peu comme Florence Aubenas récemment (d'ailleurs lire Jack London m'a donné envie de lire Le quai de Ouistreham) il mène l'enquête de l'intérieur. Il ne vit pas dans les mêmes conditions que les autochtones cependant. Il a loué une chambre où il peut revenir à l'occasion passer une bonne nuit, se laver. Il dispose de moyens financiers qui lui permettent de manger à sa faim. Toutes choses dont beaucoup d'habitants de l'East End sont privés. Car ce que découvre London est effroyable.


Des salaires qui ne permettent pas de vivre de son travail. Nombre des pauvres de Londres sont en effet des sans-abris. Ce qu'ils gagnent en une journée leur permet à peine de se nourrir et pas toujours de se loger. Ils sont alors contraints de passer leurs nuits à silloner les rues car la police est là pour veiller à ce que personne ne dorme dehors la nuit (le jour, on peut). Le lendemain ils ne sont plus vraiment en forme pour une nouvelle journée de travail. Il y a aussi les asiles de nuit mais il faut faire la queue dès le début de l'après midi pour y obtenir une place. Le lendemain il faut travailler (fabriquer de l'étoupe, trier des déchets infects) pour payer sa nuit. Cette solution n'est donc pas non plus compatible avec une activité salariée.


Etre pauvre à Londres semble être pire qu'ailleurs. D'autres observateurs que London ont déjà remarqué que les miséreux des Etats-Unis vivaient mieux que leurs homologues britanniques. 21% des Londoniens vivent de charité. Dans l'East End l'espérance de vie est de 30 ans, de 55 ans dans les quartiers ouest.


A quoi comparer l'East End ? A un bidonville : " Je regardai par la fenêtre, qui aurait normalement dû donner sur la cour intérieure des maisons voisines. Il n'y avait pas de cour -ou plutôt si, mais elle était envahie de bicoques à un étage, véritables étables à vaches dans lesquelles s'entassaient d'autres gens. Les toits de ces taudis étaient recouverts d'immondices qui atteignaient par endroits deux bons pieds de hauteur et servaient de dépotoir aux habitants du deuxième et du troisième étage de la maison où nous nous trouvions. Je discernai des arêtes de poissons, des os, de la tripaille, des chiffons puants, de vieilles chaussures, de la vaisselle cassée, et toutes les déjections d'une porcherie à trois étages."


La précarité de la vie aussi m'a fait penser à l'Inde. On peut arriver à s'en sortir tout juste, ric-rac, en travaillant d'arrache-pied mais au moindre imprévu (accident, maladie) tout ce travail est compromis et c'est la chute. J'ai trouvé ce livre très intéressant. Les ouvrages d'Anne Perry que je suis avec assiduité se déroulent dans ce même cadre et à cette même époque mais là ce n'est pas un roman et la réalité frappe d'autant plus.


L'avis d'Isil.

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6 avril 2010 2 06 /04 /avril /2010 08:31

coréePhilippe Grangereau, Au pays du grand mensonge, Voyage en Corée du Nord, Le serpent de mer

 

Philippe Grangereau est journaliste, spécialiste de l’Asie. En 2000 il se joint incognito à un voyage touristique en Corée du Nord. Il en ramène un des rares reportages sur ce pays fermé qui vit encore à l’heure de la guerre froide.

 

On découvre donc la vie pathétique des Nord-Coréens, particulièrement à cette époque, quand le pays sort tout juste de la grande famine qui a débuté en 1994. Les estimations sur le nombre de morts qu’a entraînée la volonté farouche d’autarcie du gouvernement varient de plusieurs centaines de milliers à trois millions. En 2000 à Pyongyang il y a des pénuries d’électricité (immeubles de 30 étages sans ascenseur qui fonctionne), seuls les bâtiments gouvernementaux et les hôtels pour étrangers sont approvisionnés. On manque aussi de chauffage (- 20° l’hiver) et d’eau courante (la lessive se fait au fleuve). La Corée du Nord est le pays du monde qui reçoit le plus d’aide alimentaire mais elle est distribuée par le gouvernement à des populations triées.

 

En effet, depuis 1967, la population est divisée en trois castes : l’élite (27%), proche du régime ; les instables (45%), surveillés en permanence et les éléments hostiles (27%). Ceux-là sont relégués dans des zones inaccessibles du nord du pays. Leur vie est extrêmement précaire et 200 000 d’entre eux seraient en camps de travail. Il s’agit bien de castes car la faveur ou la haine du régime sont héréditaires sur plusieurs générations. Avec ça la propagande est partout, tellement énorme que cela ferait rire si cela ne recouvrait pas une réalité aussi sordide.

 

J’ai beaucoup apprécié cette lecture que j’ai trouvé très intéressante. Mais attention, ce voyage date déjà d’il y a dix ans et le pays a, semble-t-il, pas mal évolué depuis cette date. L’auteur d’ailleurs remarque des frémissements : «Après avoir fustigé dans un court discours à notre attention l’hégémonisme yankee, les soldats gardiens du musée font demander à nos guides des cigarettes. Américaines de préférence. C’est à ce genre de détail qu’on reconnaît que la Corée du Nord n’est plus tout à fait une forteresse idéologique. »

 

Un ouvrage à voir donc plutôt comme un document historique que d’actualité.

L'avis d'Ajia.

 

 

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