• : Mon biblioblog
  • : Les livres que j'ai lus et que j'aime un peu, beaucoup, passionnément, à la folie ou...pas du tout. Mes compte-rendus de lectures et commentaires personnels.
  • Contact

100_1067.jpg

"Quand je pense à tous les livres qu'il me reste à lire, j'ai la certitude d'être encore heureux"

Jules Renard

Recherche

18 février 2013 1 18 /02 /février /2013 18:59

limonovEmmanuel Carrère, Limonov, POL

 

Conçu au début du siège de Stalingrad, Edouard Veniaminovitch Savenko est né le 2 février 1943, 20 jours avant que capitule la 6° armée du Reich. Très vite le jeune garçon décide que son sort ne sera pas ordinaire -à la différence de son père, officier du NKVD qui n'a pas su faire carrière- mais qu'il vivra une vie d'aventures qui impressionnera ses contemporains. "Il ne veut pas d'une vie honnête et un peu conne, mais d'une vie libre et dangereuse : une vie d'homme".

 

 

 

 

Dès son adolescence il expérimente tout ce qui peut le faire sortir du rang. Il est d'abord un petit voyou puis se lance dans la poésie et commence à fréquenter l'underground de Kharkov puis de Moscou. C'est à cette époque qu'il prend le pseudonyme de Limonov, de limon, citron et limonka, grenade. Il quitte l'URSS en 1974 pour les Etats-Unis. A New-York il couche un temps dans la rue puis devient valet de chambre d'un milliardaire ; à Paris il fréquente Jean-Edern Hallier et la bande de l'Idiot international et arrive enfin à se faire publier. Au début des années 1990 il est engagé du côté des Serbes dans la guerre de Bosnie avant de revenir en Russie où il est aujourd'hui une des figures de la contestation contre Vladimir Poutine.

 

Ce personnage a fasciné Emmanuel Carrère. Fasciné est bien le mot car il y a à la fois de l'admiration pour une vie aventureuse en face de laquelle Carrère se ressent comme un petit-bourgeois plan-plan et de répulsion pour certains choix de Limonov : son admiration pour les assassins des Balkans, Arkan, Karadzic, Mladic ; le nom de parti national-bolchévique pour le parti politique russe dont il est l'un des fondateurs.

 

Au tout début de son livre, Carrère présente Limonov ainsi : "Ce n'était pas un auteur de fiction, il ne savait raconter que sa vie, mais sa vie était passionnante et il la racontait bien". Et bien Carrère c'est un peu pareil. Quelque soit le personnage dont il traite, il s'agit bien souvent d'un prétexte pour parler de lui (Un roman russe, D'autres vies que la mienne). Et il raconte bien. Ca faisait quelque temps que je ne l'avais pas lu mais dès les premières pages j'ai retrouvé son style que j'aime, qui rend tout passionnant, avec de l'humour et de l'auto-dérision qui me le rend sympathique.

Partager cet article

Repost0
27 mars 2010 6 27 /03 /mars /2010 19:38
1030_hors_datteinte.jpgEmmanuel Carrère, Hors d'atteinte ?, Folio

Frédérique est professeure de collège, elle vit avec son fils et est séparée de son mari qu'elle voit souvent, pour une soirée, pour des vacances, pour une nuit. Frédérique n'est pas satisfaite de sa vie ou plutôt de l'image de sa vie, de ce qu'elle imagine que les autres peuvent penser d'elle. Elle se voudrait plus originale, plus riche, plus mystérieuse, qu'on se souvienne d'elle. Comme une sorte de Mme Bovary, Frédérique voudrait une vie différente. Quoi d'autre ? Elle ne sait pas. Elle semble insatisfaite par nature.

Un jour, par hasard, elle découvre le casino, la roulette. Elle croit qu'elle a trouvé ce qui lui permettra d'être moins banale. Elle va claquer son argent comme si elle n'en avait rien à faire, dans une volonté de flamber pour se sentir exister. C'est aussi à son éducation qu'elle dit merde : "Sa mère, de son vivant, avait l'habitude de compter en nouveaux francs ce qu'elle possédait, réservant l'usage des anciens, par goût de la jérémiade, à ce qu'on lui extorquait : elle se plaignait que la Sécurité sociale remboursât 400 francs une prothèse auditive qui lui en avait coûté 100 000."

Un peu en panne de lecture depuis deux semaines, j'ai commencé et laissé tomber plusieurs ouvrages dont je ne sais pas si je les reprendrai. Emmanuel Carrère est une valeur sure pour moi, je pensais bien aller au bout. Ce n'est pas celui de ses livres que j'ai préféré mais je ne me suis pas ennuyée. En suivant Frédérique dans sa course vers quoi ? la tension augmente et on se demande bien comment cela va finir. En même temps c'est la question du sens de la vie qui est posée. Qu'est-ce qu'une vie réussie ? Et la mienne, qu'a-t-elle d'original, qu'en restera-t-il à la fin ? Quant à moi je crois que la trace qu'on peut laisser passe par les relations humaines. L'engagement pour progresser soi-même et aider les autres dans leur progression.

Partager cet article

Repost0
2 mars 2010 2 02 /03 /mars /2010 19:28
adversaireEmmanuel Carrère, L'adversaire, Folio

En janvier 1993 Jean-Claude Romand assassine sa femme, ses enfants, ses parents puis tente de se suicider. L'enquête montre rapidement que cet homme qui se présentait comme un chercheur à l'OMS mentait à tous depuis 18 ans. Quand il disait qu'il allait travailler à Genève il passait en fait ses journées dans un café, dans sa voiture sur un parking ou à errer dans les bois. Emmanuel Carrère décide d'approfondir cette histoire, il veut comprendre comment un tel drame a été possible. Il prend contact avec Romand, assiste à son procès, rencontre d'autres protagonistes.

Se pencher avec Emmanuel Carrère sur l'âme de Jean-Claude Romand c'est comme se retrouver au bord d'un gouffre sans fond : fascinant et effrayant. On pourrait craindre du voyeurisme dans l'intérêt pour cette affaire particulièrement douloureuse. Il n'en est rien. Emmanuel Carrère traite avec respect les personnes qu'il cite. Pas de jugement à l'emporte-pièce, il tâche de comprendre les motivations de chacun sans pour autant prendre pour argent comptant tout ce qu'on lui raconte. J'ai retrouvé ici la façon de procéder qu'il a utilisée ensuite dans D'autres vies que la mienne. Au final Emmanuel Carrère dresse un portrait  fin et convainquant de l'assassin. Voilà un livre qui m'a impressionnée, par le personnage qu'il décrit et par la façon de le faire. Bravo !

Partager cet article

Repost0
15 février 2010 1 15 /02 /février /2010 08:09
dickEmmanuel Carrère, Je suis vivant et vous êtes morts, Philip K. Dick, 1928-1982, Points

Philip K. Dick, je connaissais par oui-dire : mon fils en est fan. L'été dernier j'ai lu La vérité avant dernière, surtout parceque je n'avais rien d'autre sous la main et je n'ai pas été particulièrement emballée. Si je me suis attaquée à sa biographie c'est en fait d'abord pour Emmanuel Carrère et ça m'a permis de découvrir ce personnage torturé, certes bien apte à intéresser Carrère.

Pour ceux qui ne le connaissent pas, Philip K. Dick est un écrivain de science-fiction qui a eu un peu de mal à percer. Aujourd'hui il est reconnu comme un des maîtres du genre par les amateurs. Il était très perturbé et a été frappé à plusieurs reprises pendant son existence par des sortes de crises de folie paranoïaque. Alors il avait des visions qui le terrorisaient ou bien une révélation qui remettait tout à sa place. Le fond était toujours le même : nous ne vivons pas dans le monde où nous croyons vivre. On nous trompe d'une façon ou d'une autre : drogue dans l'eau du robinet ou émissions de télé qui nous endorment. Qui est ce "on" ? Les communistes, le FBI, l'empire romain, Dieu... et Dick est celui qui doit révéler aux autres la réalité. Ces livres ne sont donc pas des romans mais des rapports qui doivent éveiller nos consciences.

La vie de ce personnage frapadingue est proprement allucinante (Dick avait d'ailleurs un peu forcé sur les substances prohibées) et Emmanuel Carrère le raconte beaucoup mieux que moi. Il nous présente aussi les principales oeuvres du maître. Cette lecture m'a donné envie de lire autre chose de Philip K. Dick, ne serait-ce que pour vérifier si par hasard Carrère ne raconte pas mieux les histoires de Dick que Dick lui-même. Et puis je crois que forcément, je ne lirai pas cela de la même façon maintenant que je connais un peu le fonctionnement de l'auteur.

Partager cet article

Repost0
31 décembre 2009 4 31 /12 /décembre /2009 09:10
La-moustache.pngEmmanuel Carrère, La moustache, Folio

Un soir le personnage principal de ce roman décide de se raser la moustache pour faire une surprise à sa femme. Mais elle n'est pas surprise, même, elle fait comme si de rien n'était. Puis pressée de mettre fin à cette plaisanterie, elle prétend qu'il n'a jamais porté la moustache. Les amis, les collègues, adoptent la même attitude.

Imaginez, vous faites un acte en apparence anodin et soudain votre vie bascule. Vous entrez dans une sorte de dimension parallèle où votre réalité n'est plus celle des autres, où tout ce qui vous paraissait acquis s'effondre. Folie ? Complot ?

Voilà une lecture très prenante et dérangeante. La narration a fait que je me suis identifiée au personnage. C'est forcément lui qui a raison, pense-t-on. Puis on commence à se poser des questions. "L'histoire, en tout cas, finit forcément très mal" nous avertit la quatrième de couverture. Quant à moi j'ai trouvé la fin atroce. C'est le genre de chose qui me fait mal à le lire. Je l'ai terminé hier matin et j'en ai des flash qui me sont revenus régulièrement dans la journée. A déconseiller absolument à qui a les idées noires ou doute à l'occasion de sa santé mentale.

Partager cet article

Repost0
27 novembre 2009 5 27 /11 /novembre /2009 19:13
Emmanuel Carrère, La classe de neige, POL

Nicolas part en classe de neige pour deux semaines et dès le début de ce roman on sent que quelque chose va mal se passer pour lui. Alors que le transport est organisé en car, son père a tenu à l'amener en voiture ce qui le singularise par rapport aux autres élèves. Nicolas est un enfant replié sur lui-même qui fait des cauchemars la nuit et imagine des scénarios inquiétants le jour. D'où viendra la violence ? De Nicolas lui-même, d'un camarade de classe, d'une famille dont on comprend que son fonctionnement n'est pas épanouissant ou de l'extérieur ? Au départ toutes les possibilités sont ouvertes et c'est l'habileté d'Emmanuel Carrère de faire planer comme une menace sur la lecture.

En même temps il y a l'intervention de Patrick, le moniteur de la classe de neige, qui fait entrevoir à Nicolas ce que pourrait être une enfance insouciante et apporte au lecteur une note d'espoir et des petits moments de respiration. Mais le malaise progresse quand même. Cela tient en haleine jusqu'à la fin dont on ne suspecte le dénouement qu'assez tardivement.

Partager cet article

Repost0
8 novembre 2009 7 08 /11 /novembre /2009 09:51
Emmanuel Carrère, D'autres vies que la mienne, P.O.L.

En décembre 2004 Emmanuel Carrère est en vacances au Sri Lanka avec sa compagne Hélène quand survient le tsunami qui ravage cette partie de l'Asie. Dans les jours qui suivent Emmanuel et Hélène portent assistance à des rescapés et plus particulièrement à un couple de Français dont la petite fille, Juliette, a été tuée par la vague. Tu es écrivain, dit à Emmanuel le grand-père de Juliette, tu devrais écrire là-dessus.

Rentrés en France, Emmanuel et Hélène se retrouvent confrontés à la maladie d'une autre Juliette, la soeur d'Hélène, atteinte d'un cancer. Elle meurt quelques mois plus tard. Elle était juge et, après son décès, sa famille fait connaissance de son collègue et ami Etienne Rigal. C'est Etienne qui, cette fois, suggère à Emmanuel d'écrire l'histoire de Juliette.

Dans ce récit Emmanuel Carrère aborde les questions de la mort, du deuil, du sens de la vie, du bonheur et tout ça est excellement fait. Dès la première page j'ai été happée. Le propos est parfois abrupt mais derrière j'ai senti un vrai intérêt pour les gens et leurs choix de vie, une vraie empathie, jamais aucune commisération. Emmanuel Carrère parle aussi de lui-même et de son mal de vivre et cependant je ne trouve pas ça égocentrique (ce que j'avais trouvé en lisant Un roman russe) parcequ'ici, en parlant de lui, il parle des autres et aux autres (donc de moi et à moi). Il est question de "gens dont le noyau est fissuré pratiquement depuis l'origine". Je ne dis pas que je suis aussi atteinte que l'auteur (loin de là quand même) mais il me semble que chacun a plus ou moins sa fêlure. Celle d'Emmanuel Carrère en tout cas va mieux puisqu'il s'annonce guéri. Avoir approché la mort a sans doute été un élément de sa thérapie.

J'ai beaucoup aimé ce livre qui fait réfléchir et qui tire vers le haut. Ce n'est pas triste, je trouve, malgré le sujet de départ, plutôt optimiste. C'est vraiment une lecture que je conseillerais et un livre que je vais sans doute offrir. Au moment de classer mon article je me demande dans quelle catégorie le mettre aussi j'en crée une pour cet auteur avec lequel je n'en ai pas fini, c'est sur.

Partager cet article

Repost0
5 juillet 2007 4 05 /07 /juillet /2007 05:36
Emmanuel Carrère, Un roman russe, POL.

J'ai trouvé ce livre, état neuf, pour un euro quatre-vingt-dix chez un bouquiniste. C'est un bouquiniste associatif. Les livres sont donnés par ceux qui veulent s'en débarrasser et revendus très peu cher.

Emmanuel Carrère part en Russie, à Kotelnitch, pour y tourner un documentaire sur un prisonnier de guerre hongrois qui y a passé 53 ans, d'abord dans un camp puis dans un hôpital psychiatrique et qui vient enfin, en 2000, d'être rendu à son pays. Aprsè ce premier documentaire Emmanuel Carrère retourne à Kotelnitch pour y tourner un deuxième documentaire sur Emmanuel Carrère à Kotelnitch et les rencontres qu'il y fait.

Si l'auteur est aussi irrépressiblement attiré par ce trou perdu de Kotelnitch c'est que l'histoire du Hongrois retentit pour lui de façon personnelle. Son grand-père maternel, Georges Zourabichvili, un émigré géorgien, a travaillé comme interprète pour les Allemands, à Bordeaux, les deux dernières années de l'occupation. Le 10 septembre 1944 des inconnus sont venu l'arrêter et on n'a plus jamais entendu parler de lui. Longtemps la mère d'Emmanuel (Hélène Carrère d'Encausse, secrétaire perpétuelle de l'académie française) a attendu le retour de son père, comme la famille du Hongrois avait dû l'attendre. L'enfance d'Emmanuel Carrère s'est bâtie sur cette disparition tue, sur un vide qu'il veut combler car il a fait de lui un adulte perturbé, inapte au bonheur.

A la même époque où se déroulent ces voyages-thérapie Emmanuel Carrère vit avec Sophie dont il est très amoureux. Il écrit pour elle une nouvelle érotique dans le Monde. Mais, alors qu'il croit tout contrôler, les choses lui échappent et dérapent dans une toute autre direction que celle qu'il avait imaginée.

Ces trois histoires s'entrecroisent tout au long du récit qui est aussi voulu par l'auteur comme une thérapie. Une thérapie pour lui et pour sa mère qui lui a demandé de ne pas écrire sur son père avant sa mort. Mais il est persuadé que sa mère a besoin que la souffrance familiale soit dite et il écrit aussi pour elle. Le livre se termine d'ailleurs par une très belle lettre d'amour à sa mère.

Un roman russe est l'occasion pour Emmanuel Carrère de se mettre à nu. Il nous révèle ses pensées et ses fantasmes, nous raconte comment il s'est comporté en telle ou telle circonstance. Ainsi il n'apparait pas toujours à son avantage. J'ai découvert un personnage assez égocentrique, capable d'un comportement destructeur qui le fait souffrir et fait souffrir la femme qu'il aime. Mais son honnêteté et le regard lucide qu'il porte sur lui-même me l'ont rendu sympathique. Tout ceci pour dire que j'ai beaucoup apprécié ce livre que j'ai de plus trouvé bien écrit.

Je termine par la description de Kotelnitch : "Dépités, désoeuvrés, nous traînons en ville. D'un côté de la route, à l'entrée, il y a une sculpture en béton d'environ deux mètres figurant la faucille et le marteau de l'autre une marmite géante qui est depuis des temps beaucoup plus anciens l'emblème de Kotelnitch. C'est cela que veut dire kotel en russe, m'explique Sacha : une marmite ou un chaudron. Un séjour là-dedans, c'est une sorte de trois étoiles du dépaysement dépressif, et il y a tout lieu de penser que cette sensation d'encalminage au fond d'une marmite de soupe froide et figée d'où auraient depuis longtemps, à supposer qu'il y en ait jamais eu, disparu tous les bons morceaux, constitue l'ordinaire des villes de 20 000 habitants de la Russie profonde. On ne va pas dans ce genre de ville. On n'en parle pas. Un beau jour on apprend qu'il existait un bled appelé Tchernobyl, et c'est en moins terrible, en plus modeste, ce qui est arrivé à Kotelnitch depuis qu'on y a retrouvé le dernier prisonnier de la seconde guerre mondiale."

Partager cet article

Repost0