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"Quand je pense à tous les livres qu'il me reste à lire, j'ai la certitude d'être encore heureux"

Jules Renard

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15 mars 2013 5 15 /03 /mars /2013 14:54

borlantHenri Borlant, "Merci d'avoir survécu", Points

 

Henri Borlant est né à Paris en 1927 de parents juifs originaires de Russie, arrivés en France avant la première guerre mondiale. Dans les années 1920 et 1930 la famille Borlant s'agrandit régulièrement jusqu'à neuf enfants. Ils vivent à Paris. Le père est tailleur. En août 1939, la menace de guerre se précisant, les autorités parisiennes décident d'évacuer certains quartiers. La destination de la famille Borlant est Saint-Lambert-du-Lattay dans le Maine-et-Loire. Les petits Parisiens découvrent la campagne et s'intègrent sans difficultés. Inscrit à l'école catholique Henri est baptisé, il devient croyant et pratiquant.

 

En juillet 1942 Henri, 15 ans, son frère Bernard, 17 ans, sa soeur Denise, 21 ans et leur père sont arrêtés. Ils sont détenus quelques jours à Angers puis déportés directement vers Auschwitz-Birkenau où ils arrivent le 23 juillet. Henri est rapidement séparé des membres de sa famille et affecté à la Mauerschule, "école du bâtiment". Dans son récit il raconte les terribles conditions de survie, les violences permanentes mais aussi la solidarité entre détenus. Ce qui lui a permis de survivre c'est la camaraderie, la volonté de revoir sa mère, la foi.


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Birkenau

 

Fin octobre 1944 Auschwitz-Birkenau est évacué, Henri est envoyé à Ohrdruf en Allemagne. C'est de là que, début 1945, il s'évade avec un camarade, profitant de la désorganisation qui accompagne la défaite allemande. Henri Borlant est rentré en France en avril 1945. De tous les membres de sa famille qui ont été déportés (aussi ses grands-parents et une tante), il est le seul à être revenu. A 18 ans, avec seulement le certificat d'études, il a repris sa scolarité, passé le bac, est devenu médecin. Il est membre d'associations pour la mémoire de la shoah, témoigne depuis 1992. En 2010 j'avais eu la chance de le rencontrer. Ce qui m'avais frappée à l'époque c'est qu'il connaissait encore son numéro matricule (tatoué sur le bras) par coeur, en allemand, en polonais et en ukrainien, les langues dans lesquelles on pouvait le lui demander. "Si on ne repondait pas assez  vite, c'était la mort", nous a-t-il dit.

 

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Auschwitz

 

Ce témoignage est paru en 2011. En 2010 il était en train de l'écrire mais il avait du mal, il n'était pas content de son style. C'est un style simple, tout comme son auteur qui est pour moi un héros admirable, courageux, engagé (il l'a été aussi dans sa profession de médecin) et modeste. Un ouvrage accessible et clair, tout à fait lisible par des adolescents.

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9 janvier 2013 3 09 /01 /janvier /2013 18:04

schneck.jpgColombe Schneck, La réparation, Grasset

 

Quand Colombe Schneck était enceinte de son premier enfant, sa mère lui a demandé "Si tu as une fille, tu pourrais lui donner en deuxième prénom Salomé ? C'était celui de ma cousine dont il ne reste rien." Pourquoi pas, a-t-elle répondu sans y faire plus attention. Elle a eu un garçon. Puis sa mère est morte. Puis elle a eu une fille que, sur les conseils d'une amie, elle a prénommée Salomé. Puis elle s'est souvenue de la demande de sa mère.

 

C'est à ce moment là que Colombe Schneck a commencé à s'interroger sur le sort de la famille de la mère de sa mère, des Juifs de Lituanie dont une partie ont disparu pendant la guerre. Ont survécu les deux soeurs et le frère de la grand-mère. Les autres, mère, maris, enfants -dont la petite Salomé- ont été assassinés par les nazis.

 

Colombe Schneck interroge ses proches, parents des survivants, aux Etats-Unis et en Israël. Elle fait le voyage en Lituanie dans la ville d'où est originaire cette branche de sa famille, dans celle où ils ont été internés au ghetto. Tout ceci est intéressant mais ce que j'ai le plus apprécié dans sa démarche ce sont les questions qui en émergent.

 

Quel héritage les rescapés de la shoah transmettent-ils à leurs enfants ? ("Etre Juif c'est avoir peur", disait la mère de Colombe Schneck).

Et une question que doivent se poser la plupart des parents -pas seulement les mères juives- à un moment : comment survivre à la mort de ses enfants ou : vaut-il mieux mourir avec ses enfants ou leur survivre ? C'est en tout cas quelque chose qui m'a travaillée quand les miens étaient petits et que j'ai réussi à mettre à distance quand ils ont grandi. Le résultat est donc un ouvrage qui me touche énormément et dont j'ai lu une bonne partie les larmes aux yeux mais en même temps c'est un livre porteur d'espoir parce qu'il met l'accent sur la force de la vie malgré tout.

 

Enfin j'ai beaucoup aimé ce que j'ai découvert de Colombe Schneck. L'auteure se met en scène dans son ouvrage. Se présentant dans ses relations avec sa mère et sa grand-mère, essayant de comprendre pourquoi elle s'est intéressée si tardivement à cette histoire de sa famille, elle jette un regard critique plutôt sévère sur ses agissements, avec une pointe d'auto dérision. C'est une écrivaine que je ne connaissais pas du tout et je pense que je vais maintenant m'intéresser à ses oeuvres précédentes.

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13 juin 2012 3 13 /06 /juin /2012 14:41

les depossedesSteve Sem-Sandberg, Les dépossédés, Robert Laffont

 

"Créé en 1940, le ghetto de la ville de Lodz, le plus grand de Pologne, survécut jusqu'en 1944, alors que les nazis avaient prévu d'en exterminer la population en moins d'un an. Ce sursis est dû à la personnalité d'un seul homme, Mordechai Chaim Rumkowski, président du Conseil juif. Convaincu que si les juifs se rendaient indispensables à l'effort de guerre allemand, ils seraient épargnés, Rumkowski transforma le ghetto en une cité ouvrière hyperproductive. Pris au piège de sa logique, il sacrifia les inadaptés et les indésirables : malades, vieillards et enfants. Il se mua ainsi, consciemment ou non, en un très efficace rouage de la machine d'extermination nazie". (4° de couverture).

 

Steve Sem-Sandberg raconte dans ce roman les conditions de vie des habitants du ghetto. Pour cela il suit plusieurs personnages qui permettent d'évoquer différents aspects de l'histoire. Ceux qui m'ont le plus marquée sont Vera Schulz et Adam Rzepin. La première est une jeune femme déportée de Prague vers le ghetto de Lodz avec toute sa famille. Leur sort est celui de nombreux Juifs originaires de l'ouest, Allemagne et Tchécoslovaquie. A la recherche d'un travail Vera croise la route des archivistes clandestins qui rédigent la Chronique du ghetto pour la postérité. Vera participe alors à ce travail résistant. La Chronique du ghetto est l'une des sources de Steve Sem-Sandberg et il en inclut des extraits dans son récit.

 

Adam Rzepin est un jeune garçon qui travaille à droite et à gauche. Il bénéficie un temps de la protection de son oncle Lajb, indicateur au service des nazis. Au moment de la liquidation du ghetto il se cache pour survivre dans les maisons abandonnées. Je me suis attachée à ces personnages et avec eux j'ai voulu croire qu'une autre issue que celle qui était inévitable était possible.

 

Rumkowski lui même n'est présenté que de l'extérieur. Il est montré à travers le regard de ceux qui le croisent et de ses proches comme sa femme et son fils adoptif. Petit à petit il apparait qu'il n'est qu'une marionnette entre les mains des nazis et il est de plus en plus isolé dans le ghetto. Il est suplanté par des gens qui profitent sans scrupules du système qu'il a mis en place : toute une pègre se développe sur la misère des habitants. De la nourriture, des médicaments sont détournés et revendus au marché noir, des maisons closes s'organisent.

 

Cette intéressante lecture complète ma découverte de l'histoire de la Pologne pendant la seconde guerre mondiale. A l'été 2011 j'ai voyagé dans ce pays sur les traces de la shoah. Voici quelques images de mon passage à Lodz. Et l'avis d'Anna.


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De la gare de Radegast partaient toutes les denrées fabriquées dans le ghetto. C'est de là aussi que sont partis les habitants vers les camps d'extermination.

 

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Le mémorial de la gare de Radegast rappelle les destinations des déportés.

 

DSCN5111.JPGLes personnes décédées dans le ghetto étaient enterrées dans une partie du cimetière juif : le champ du ghetto. Le ghetto de Lodz est le seul dont les habitants ont eu droit à des tombes individuelles.

 

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Plaque commémorative dans le cimetière.

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30 octobre 2011 7 30 /10 /octobre /2011 16:49

arton22243-51b69Anna Bikont, Le crime et le silence, Jedwabne 1941, la mémoire d'un pogrom dans la Pologne d'aujourd'hui, Denoël

 

A Jedwabne, petite ville de l'est de la Pologne, le 10 juillet 1941, les habitants polonais ont rassemblé sur la place du marché leurs voisins juifs et les ont persécutés toute la journée. Le soir les survivants ont été enfermés dans une grange à laquelle le feu a été mis. Plusieurs centaines de personnes ont été assassinées ce jour-là. Dans les alentours des pogroms similaires ont eu lieu à la même époque. Les Allemands n'étaient pas présents sur place ou en nombre très limité.

 

Après la guerre le pouvoir communiste a jugé quelques uns des meneurs. Ils ont été condamnés à de courtes peines ou acquittés. Petit à petit l'idée s'est imposée en Pologne que ce crime avait été organisé et encadré par les Allemands. A Jedwabne tout le monde connaissait la vérité mais la loi du silence règnait. Les assassins tenaient le haut du pavé, ceux qui avaient caché des Juifs rasaient les murs.

 

En 2000 Jan Gross, écrivain américain d'origine polonaise, publie Les voisins. En s'appuyant sur le témoignage d'un des rares rescapés il assure que les coupables sont bien les habitants polonais de Jedwabne. En Pologne, l'ouvrage de Gross a un grand retentissement et déclenche la polémique. Anna Bikont, journaliste à Gazeta Wyborcza, part enquêter à Jedwabne et dans les environs où elle rencontre des acteurs du pogrom : rescapés, témoins, bourreaux. Elle s'interroge aussi sur la mémoire des événements : comment les habitants de Jedwabne vivent-ils aujourd'hui avec l'accusation qui frappe leur communauté ?

 

Le résultat est un ouvrage passionant qui alterne journal (il s'étale du 28 août 2000 au 30 juin 2003) où l'auteur relate ses rencontres à la recherche de la vérité et parties plus historiques. A Jedwabne le sentiment qui domine est un antisémitisme forcené qui me fait froid dans le dos et qui rend Anna Bikont physiquement malade. Elle-même est juive, information qui ne tarde pas à se répandre dans cette communauté obsédée par l'origine réelle ou supposée de ses interlocuteurs. Elle doit rendre visite en cachette à certains témoins pour qu'ils ne soient pas victimes de malveillances (coups de téléphone en pleine nuit). Heureusement elle rencontre aussi des personnes capables d'évoluer, ainsi le maire de la ville, finalement obligé de démissioner après avoir organisé une cérémonie commémorative du pogrom.

 

Le crime et le silence est paru en Pologne en 2004 et vient seulement d'être traduit en français. Que s'est-il passé à Jedwabne depuis que l'affaire a éclaté il y a dix ans ? Une postface nous en informe : rien n'a changé, l'antisémitisme domine encore. La Pologne pendant ce temps a évolué. J'ai participé à un voyage d'étude dans ce pays fin août. J'ai rencontré des Polonais, artistes, enseignants qui travaillent au quotidien pour faire vivre la mémoire de la vie juive et de la shoah dans leur pays.

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20 février 2011 7 20 /02 /février /2011 16:57

secretAnn Kirschner, Le secret de ma mère, Presses de la cité

 

En 1991, à la veille d'une opération, Sala Kirschner, juive américaine d'origine polonaise, confie à sa fille Ann une boîte contenant sa correspondance et des souvenirs de la période de la deuxième guerre mondiale. Ann Kirschner découvre alors que sa mère, encore toute jeune fille, a été internée dans des camps de travail forcé des nazis en Pologne. Sala Garncarz "faisait en effet partie des cinquante mille esclaves juifs, hommes et femmes confondus, tous jeunes et en bonne santé, déportés depuis l'ouest de la Pologne et considérés comme la propriété de l'Organisation Schmelt, une division SS créée peu après l'invasion polonaise par les Allemands".

Cette Organisation Schmelt je la connaissais sans savoir son nom, par Oskar Schindler (La liste de Schindler au cinéma). J'ai découvert que ses usines faisaient partie de ce réseau.

 

Sala est la plus jeune d'une famille de onze enfants de Juifs pieux et pauvres de Sosnowiec, non loin de Cracovie (ce qui manque absolument dans ce livre c'est une carte pour situer les endroits cités). En octobre 1940 la famiille reçoit une réquisition pour Raizel, une autre de ses filles, à aller en camp de travail. Or Raizel est une intellectuelle myope et peu résistante. Tous acceptent donc la proposition de Sala de la remplacer. Sala a 16 ans. C'est une adolescente dynamique a qui le carcan familial commence à peser. Ce qui me frappe c'est que d'une certaine façon la déportation a aussi été pour Sala une chance. Cela lui a permis de prendre ses distances avec sa famille (de façon radicale et brutale, certes) et au final de choisir une nouvelle vie.

 

Jusqu'à la fin de la guerre Sala va connaître différents camps de travail. Elle y est employée au ménage, au secrétariat, à la couture. Les détenus sont autorisés à correspondre avec leur famille ou leurs amis et Sala conserve soigneusement les lettres qu'elle reçoit et des photos en souvenir qui la relient à ceux qu'elle aime. Ce trésor est clandestin, le courrier n'était pas censé être gardé. C'est à partir de ces documents et des souvenirs de sa mère que Ann Kirschner nous raconte son histoire. Elle a recherché aussi ce qu'il était advenu des membres disparus de la famille Garncarz (seules les trois plus jeunes soeurs ont survécu) et présente également les persécutions antisémites à Sosnowiec.

 

Je n'aime pas le sous-titre "Dans l'enfer des camps de travail nazis" parce que plus que sur le travail et l'organisation des camps Ann Kirschner met l'accent sur les relations entre les prisonniers, la solidarité qui permet de tenir, le courage et la volonté de Sala. C'est une période et des événements tragiques mais ce n'est pas un livre larmoyant.

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9 août 2010 1 09 /08 /août /2010 14:46

hommes-ordinaires.jpgChristopher R. Browning, Des hommes ordinaires, Le101° bataillon de réserve de la police allemande et la Solution finale en Pologne, Texto

 

La "solution finale" en Pologne c'est la shoah par balles, ce sont les ghettos, c'est la déportation vers les centres de mise à mort. Qui étaient les hommes qui ont été les exécutants de cette extermination ? A partir de l'exemple du 101° bataillon de réserve de la police allemande Christopher R. Browning montre qu'il s'agissait rarement de nazis fanatiques avides de tuer des juifs mais la plupart du temps d'hommes ordinaires que les circonstances ont amenés à commettre le crime de génocide.

 

Au cours des années 1960 des hommes du 101° bataillon ont été jugés pour leur participation à la shoah. Une centaine ont été interrogés à cette occasion. C'est sur les archives de ce procès que Christopher R. Browning s'appuie pour rédiger son livre. J'ai trouvé ce livre très intéressant. A la fois par ce qu'il m'a appris sur le déroulement de la solution finale en Pologne et à la fois sur la question qu'il pose des responsabilités individuelles.

 

La présente édition est suivie d'une longue postface dans laquelle Christopher R. Browning répond à Daniel Jonah Goldhagen qui a travaillé peu après lui sur les mêmes documents et en a tiré des conclusions inverses : le 101° bataillon était composé de nazis convaincus qui ont volontier participé à l'extermination des juifs. Cette postface permet de mieux comprendre la façon de travailler de l'auteur et ce qu'il entend par "hommes ordinaires". Il y cite notamment les expériences de Milgram qui montrent comment, poussés par une autorité scientifique, des étudiants ont été prêts à infliger des chocs électriques à d'autres personnes. On a parlé récemment de cette expérience en France à propos d'une émission de télé qui s'en inspirait.

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24 juillet 2010 6 24 /07 /juillet /2010 15:04

dernier-juif.gifChil Rajchman, Je suis le dernier Juif, Les arènes

 

Né à Lodz, en Pologne, en 1914, Chil Rajchman est déporté à Treblinka en octobre 1942. A l'arrivée il est séparé de sa soeur cadette qui part directement à la chambre à gaz. Lui est sélectionné pour ramasser les vêtements abandonnés par les victimes sur le quai d'arrivée. Il échappe ainsi à la mort. Plus tard il devient coiffeur (il coupe les cheveux des femmes avant qu'elles soient gazées) puis dentiste (il arrache les dents en or des cadavres). Le 2 août 1943 les prisonniers de Treblinka se révoltent, Chil fait partie de ceux qui arrivent à s'échapper. Il se cache à Varsovie jusqu'à la fin de la guerre. Il émigre en Uruguay où il meurt en 2004.

 

Treblinka était un centre de mise à mort, un lieu où les Juifs étaient assassinés dès leur arrivée; mis à part ceux qui, comme Chil, étaient gardés en vie pour accomplir le travail de manutention. On estime que les nazis ont tué 700 000 à 900 000 Juifs à Treblinka. Chil Rajchman est un des 57 survivants. Son témoignage est donc rare. Il l'est d'autant plus qu'il a été écrit très vite après les événements, avant même la fin de la guerre. Beaucoup de récits de survivants de la shoah ont été écrits des années après les faits, alors que la mémoire s'est recomposée. Toute sa vie Chil Rajchman a conservé son texte avec lui et il a demandé à sa famille de le publier après sa mort, ce qui a été fait récemment.

 

Dès l'arrivée à Treblinka Chil, qui a espéré pendant tout le trajet qu'on les emmenaient au travail forcé, comprend ce qui les attend :

"Par la lucarne du wagon nous découvrons un tableau terrifiant, une image de mort. Des monceaux de vêtements. Je réalise que nous sommes perdus. C'est fini."

Ce passage qui vient tout au début du livre m'a frappée au coeur et j'ai pensé que j'allais avoir du mal à lire la suite. Mais l'écriture rend très bien le rythme effréné qui est celui de la vie des prisonniers. Ils sont sans arrêt sous la menace des coups des brutes sadiques qui leur servent de gardiens et ils n'ont pas un instant pour réfléchir. Et la lecture, c'est pareil. J'ai été happée par le mouvement, pratiquement sans pouvoir m'arrêter. Ce n'est qu'à la toute fin que l'émotion m'a reprise violemment :

"Oui, j'ai survécu et je suis libre, mais à quoi bon ? Je me le demande souvent. Pour raconter l'assassinat de millions de victimes innocentes, pour témoigner d'un sang innocent versé par ces assassins.

Oui, j'ai survécu pour témoigner de ce grand abattoir : Tréblinka."

Un texte puissant.

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19 décembre 2009 6 19 /12 /décembre /2009 10:29
auschwitz.jpgAnnette Wieviorka, Auschwitz expliqué à ma fille, Seuil

A l'âge de 13 ans, Mathilde, fille de l'historienne Annette Wieviorka, remarque un numéro tatoué sur le bras de Berthe, une amie de sa mère. Mathilde avait déjà entendu parler de la shoah, elle savait que des membres de sa famille en avaient été victimes pourtant la découverte du tatouage de Berthe est comme un déclencheur qui l'amène à questionner sa mère.

Selon le principe de cette intéressante collection, ce petit ouvrage se compose de questions-réponses, conversation entre Mathilde et Annette Wieviorka, spécialiste de la question. L'auteur apporte des explications sur la déportation des Juifs et les idées et complicités qui l'ont permise. Elle fait la différence entre camp de concentration et centre de mise à mort et présente l'organisation des ghettos ainsi que la révolte du ghetto de Varsovie. Elle parle aussi des gens qui ont caché et sauvé des Juifs et termine sur le devoir de mémoire.

Je trouve ce livre très bien fait, tout à fait à recommander à des adolescents entre 13 et 15 ans. Le propos est accesssible, les explications très claires et précises. L'état de la recherche actuel (mon édition date de 1999) est abordé. Je pense que c'est un excellent travail de vulgarisation.

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4 novembre 2009 3 04 /11 /novembre /2009 08:26
Jean-Pierre Guéno, Les enfants du silence, mémoires d'enfants cachés, 1939-1945, Milan

Cet ouvrage est la version pour enfants de Paroles d'étoiles. Elle réunit quelques unes des lettres et quelques uns des témoignages collectés grâce au travail de l'association des enfants cachés et aux retombées des appels émis par les antennes de Radio France en janvier 2002. Ces enfants cachés sont des enfants juifs de France qui ont échappé à la déportation parce qu'ils ont été cachés par leurs parents ou recueillis par des personnes qui les ont sauvés. Leurs situations sont alors bien différentes. Catherine a vécu heureuse à la campagne chez Maman Pé, d'autres, comme Robert, ont été ballotés d'institutions religieuses en familles d'accueil.

Après la guerre, dans le meilleur des cas, ces enfants retrouvent des parents qu'ils ne connaissent plus mais beaucoup d'entre eux aussi sont orphelins. Ils disent la difficulté de retrouver une vie normale quand on a appris à se cacher et à dissimuler, l'enfance ou l'adolescence mises entre parenthèses, le traumatisme d'être seul survivant et de devoir se construire sans appui familial. Les histoires des enfants sont présentées sous des formes variées : récit rédigé à la première personne, biographie ou lettres adressées à une mère disparue, à Maman Pé. L'ensemble est suivi d'une chronologie des persécutions antisémites en France et d'un lexique. Le tout est bien fait.

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11 octobre 2009 7 11 /10 /octobre /2009 07:36
Robert Bober, Quoi de neuf sur la guerre ?, Gallimard

En 1945-46, petit à petit, les survivants du génocide reviennent des camps. A Paris, dans l'atelier de M. Albert, tailleurs, finisseuses et repasseurs sont tous des rescapés d'une façon ou d'une autre. Déjà rentrés ou seuls de leur famille à ne pas avoir été déportés, ils tentent de reconstruire leur vie.

Raphaël et Betty, les enfants de M. Albert, passent l'été au manoir de D., une colonie qui accueille des enfants juifs. Raphaël s'y lie d'amitié avec Georges qui attend encore ses parents. A la fin de l'été Georges reste au manoir, devenu un pensionat pour orphelins.

Robert Bober fait revivre une communauté qui a été soudée par les persécutions communes et qui s'épaule. La narration est multiple. Dans chaque chapitre c'est un nouveau personnage qui s'exprime sans que ce soit toujours évident de savoir lequel mais ça n'empêche pas d'avancer. Malgré le titre la guerre, la shoah sont à peine évoquées, c'est plutôt une toile de fond sur laquelle les informations arrivent comme inopinément, comme des allusions. Un des ouvriers a pu, après un long procès, récupérer le logement où il habitait avant guerre mais le propriétaire a reçu en compensation 8 800 francs de loyer pour la période où son locataire "habitait" ailleurs.

J'ai beaucoup aimé ce très bon roman en partie autobiographique qui aborde la question de ce qui se passe après la shoah pour les victimes. C'est un sujet qui n'est pas si courant, il me semble. J'ai découvert aussi tout le petit monde des ateliers de confection et une culture en voie de disparition : on parle encore yiddish et il y a un théâtre yiddish à Paris.

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